Au-delà du buzzword, comment plonger dans l’ère de l’IA ?
Intelligence Artificielle vs Intelligence Artistique
L’édito invité, par Sylvain Bureau
Intelligence Artificielle vs Intelligence Artistique : la créativité n’est pas la création
Pour comprendre l’impact de l’IA sur le secteur de la mode, il faut distinguer créativité et création. La créativité se définit comme la production d’idées originales et utiles qui contribuent à résoudre des problèmes. De ce point de vue, le célèbre urinoir soumis par Marcel Duchamp (sous le pseudonyme R. Mutt) en 1917 à la Société des Artistes Indépendants de New York n’a rien de créatif. Duchamp ne cherche pas une solution et encore moins à être utile. Il fait, avec le soutien de ses amis (notamment le couple Arensberg), un canular pour se moquer des avant-gardes qui prétendent offrir une liberté totale aux artistes en supprimant les jurys de sélection. Grâce aux soutiens de nombreuses personnalités (comme André Breton), cette blague va devenir une nouvelle norme artistique dans les années 60 : le Ready Made. Cette histoire n’est pas celle d’une créativité géniale mais bien l’illustration d’un processus de création ; c’est-à-dire d’une série de productions improbables qui façonnent de nouvelles normes de performance dans le champ de l’art. Les IA ne peuvent en aucun cas fabriquer toutes seules ce genre de nouvelles conventions. Dans la mode, si Coco Chanel est célèbre, ce n’est pas tant pour la production d’une matérialité nouvelle que pour la portée socio-politique de ses vêtements, source d’émancipation féminine. L’Intelligence Artificielle contribue à fabriquer des idées nouvelles et utiles (elle est créative), mais elle ne peut créer, sans système social, de propositions subversives. Les acteurs de la mode restent au cœur de ce processus de création qui transforme nos sociétés. Pas de mode véritable sans cette autre IA, l’Intelligence Artistique.
Sylvain Bureau, Chercheur, professeur et co-fondateur de l'Institut Jean-Baptiste Say d'ESCP
L’IA dans la mode menace-t-elle le travail des designers ?
Il y a ici 2 enjeux : la création artistique (et donc la place des IA génératives), et le modélisme, le patronage à l’aide d’IA de calcul.
“Dans la mode, on fait surtout usage d’IA de calcul pour réaliser des calculs complexes, mesurer des courbes… Ces outils nous aident à gagner du temps mais ils ne remplacent pas notre travail en matière de design.” nous dit Victor Prieux, designer et collaborateur artistique à la HEAD – Genève.
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